Réflexions, spiritualité, coups de coeur... Poète et prophète sévissant sur Internet, le Moineau se réclame du Christianisme social et du Carrefour de Chrétiens Inclusifs, et ne demande l'autorisation de personne pour proclamer la bonne nouvelle de l'amour de Dieu révélé en Jésus Christ pour tous et toutes sans exception.

lundi 6 juin 2011

Lamento

(un texte d'atelier retrouvé dans mes archives, écrit en novembre 2008 à Matagne)
__________________________________________________

Quoi que je fasse, quels que soient les chemins que j'emprunte, la maturité, l'apaisement, les accalmies durables, la douceur, il y a quelque chose qui a laissé des traces et toujours revient, un fond de vieille colère qui s'accroche à la mémoire. Une aigreur, dites-vous, si sûrs de votre bon droit gravé sur la poussière de mes avers. Vous avez confisqué Dieu et je suis en révolte.

Une aigreur, dites-vous, comme si j'étais aigre, et vous gonflés de lumière. Droits, et beaux, et blonds, bien rangés dans la chapelle, sans bruit, sans laisser de traces, vous avez confisqué l'amour de Dieu.

L'amour de Dieu pourtant, c'était pour tous, c'était pour toutes, il y avait de la place pour chacun dans ses éclaboussements. Sans conditions.

Donné, donné, donné. Dans une éblouissante splendeur.

Dieu donné dans les traces de nos mains, dans les éclaboussements, Dieu qui ne demande rien aux hommes que d'aimer et de croître. Dieu d'amour, on ne le dira jamais assez, on ne le criera jamais assez, Dieu d'amour et d'amour seulement. Grâce inconditionnelle. 

Mais vous avez collé vos peurs sur la première pages des évangiles, et les traces de vos petites névroses, et vous avez appelé éclaboussement tout ce qui ne vous ressemblait pas, et vous avez appelé abomination tout ce qui ne vous parlait pas, et vous avez dit que croître ne se fait que dans une seule direction, la juste, la droite, la bien rangée. Vous avez ajouté des "si" à l'amour de Dieu, vous avez érigé des digues de vertu devant le tempétueux amour. 

Des ombres, des traces de menaces, des éclaboussements de punitions, des mérites, des indulgences, des pardonnez-moi mon Père, oui, j'ai péché, j'ai tant péché, des trucs sombres qui ne font que croître, de tempétueux coups de machette dans les luxuriantes végétations de la promesse. Voici un catéchisme : tout est domestiqué, dévasté, régulé. Pour le mieux dites-vous, et mes aigreurs fredonnent des mots de haine. J'ai froid chaque fois que vous chassez mes frères de la promesse. J'ai froid et cela me rend mauvaise, méchante comme un fruit avarié. 

J'ai froid. Il reste si peu de traces des premiers balbutiements de l'amour de Dieu, des éclaboussements de nuages, des nuées, des splendeurs, des humains appelés à croître en dignité et en tendresse, des tempétueuses libertés du créateur, des végétations nourrissantes, des sources vives, du jardin fleuri de permissions.

Oui, dit Dieu, marche, sois heureux, je t'ai créé dans mon amour, et mon amour n'attend de toi aucune action, aucun exploit. Mon amour veut te permettre de vivre et d'être toi-même. Infiniment.

Tu n'auras plus jamais soif. Je suis la source où tu pourras toujours boire, quelles que soient tes fragilités. Tu n'as pas à mériter de boire. Tu n'as pas à me mériter.

Mais les mots de Dieu n'arrivent plus aux oreilles des hommes. Les mots de Dieu se perdent, traces brumeuses dans la nuit, éclaboussements sur la route des peuples errants dans le désert, les mots de Dieu qui voudraient croître encore et encore, et courir follement à la surface des eaux, jouer dans les fontaines, chanter dans les oreilles de la création tout entière, les mots d'amour infini, tempétueux, annoncés à toutes les générations, à la terre entière, au règne animal, à la végétation, au jardin fleuri, aux rochers, aux galets, au caillou, au sable, les mots de Dieu se fanent à la lisière des églises. Là, on dit : "voici ce qui est permis, voici ce qui est interdit". L'amour devient affaire d'interdiction. Les feux que l'Esprit allume dans nos obscurités sont éteints aussitôt par ceux qui devraient souffler sur la braise pour aviver l'espoir. La promesse de flamme est engrillagée dans des règlement et les feux de l'amour ne sont plus que le titre d'un divertissement.

Dieu dit : Aimez-vous les uns les autres. 
Dieu dit : Comme Je vous aime.

Mais nous n'entendons plus cet amour. Mes frères n'entendent plus cet amour. Ce dont nous avons soif nous a été confisqué. L'aube, la promesse, la joie, l'espérance.

Les prêtres sont venus. Ils ont dit que notre amour n'est pas agréable à Dieu, et tu es parti. Mon frère est parti, et le frère de mon frère, et le frère du frère de mon frère.

Il reste si peu. Des traces, des traces encore, la nuit constellée de regrets, des éclaboussements de givre sur nos âmes, et ce qui pourrait croître et qui ne croît pas, ce qui pourrait croire et qui ne croit plus.

Il reste le rêve tempétueux qu'aimer pourrait vouloir dire quelque chose. Il reste que oui, encore et encore je dirai : Dieu nous aime inconditionnellement et cela veut dire quelque chose. Il reste des végétations saccagées, des ozones troués, des désastres, des famines, des guerres, des jardins de fleurs fanées, et quand même, parfois, au milieu de tout ce carnage, des jardins fleuris.

Il reste de l'obscurité et la lumière annoncée à tous. Il reste les restes. Les pleurs de ceux que le mépris des hommes a jeté hors des églises. Les mots de colère et de tristesse. Il reste nos amours que leurs églises ne béniront pas. Il reste vos larmes, nos larmes, et le sel de nos larmes est encore le sel de la terre.

Il reste la Parole, l'amour, et dans trois gouttes de mots, la gloire de Dieu. 

0 commentaires: