
Mais moi
je t'aime de toute ma maladresse.
Mais moi,
le narcisse des petits soirs fragiles,
moi sclérosée de toutes mes douleurs,
qui parle et parle sans fond dans les plaines,
et qui ne t'entend pas,
mais moi toute de moi,
et dans le doute et les incertitudes et les fumisteries
dans la fêlure, toujours,
mais moi, prenant toute ma place, toute ta place, tous les espaces pour les remplir de bruit pour ne pas sentir la faille, moi prenant, prenant, consommant, remplissant, me remplissant, te saoulant, jusqu'au fond, précipitée, et me sentant si vide
mais moi toute de décombres,
moi de mes blessures et de mes gouffres,
toute de moi
incapable,
mais moi, je voudrais, pourtant, être l'instrument du silence dans lequel Dieu viendrait te recueillir.
Apprendre de lente patiente, apprendre à prier,
dès lors que ce que je ne pourrais jamais de moi-même accomplir,
il est bon que cela me soit donné par grâce,
comme sont données les robes de lys des champs,
et les grands cris de joie qui montent au cœur des filles.
Que je sois légère, que je sois sauvée, afin de ne plus être encombrée de moi-même,
Que cela me soit donné, oui, cela, la transparence, enfin,
pour que je t'écoute
et que je grave la Parole sur le pli de ton poignet
là où se perdent les baisers, les rêves, les morsures,
et que devines à travers tout le souffle infiniment tendre de Dieu.
Me faire porte ouverte sur tes mondes intérieurs à la ligne d'horizon de tes tempêtes
Pour toi, pour toi,
Décimer les frelons qui te piquent l'échine
Et quand vient l'heure la plus sombre, la plus inquiète,
au mitan de ta nuit, t'écorcer de chaud et de coton doux
T'entendre, t'entendre vraiment
A travers les mains généreuses du Dieu qui t'a donné à moi,
avec ton beau visage unique de lumière,
et te voir enfin,
toi,
mon frère, ma sœur.